Le Pigeon Voyageur de novembre 2022
Un jour, alors que j’expliquais à un agriculteur le fonctionnement du Consortium, la manière dont nous travaillons et combien il est important pour nous de raconter tout cela, ce dernier, partagé entre l’étonnement et l’incrédulité et avec un sourire, me répondit : « Moi, on m’a toujours enseigné à ne pas indiquer le chemin aux aveugles ! ». Cette phrase m’a tellement marqué que maintenant à chaque fois je veux expliquer à quelqu’un ce que font les Galline Felici en Sicile je la réutilise. Mais dans le fond, qui a appris à penser différemment ? Qui, à l'exception peut-être de quelques chanceux parmi nous, n’a pas été conditionné à penser : "garde cette idée pour toi, on pourrait te la piquer", ou "surtout ne le dis à personne, on va battre la concurrence avec ça ..." La Concurrence. Comme s'il s'agissait d'un concept abstrait et inanimé, dénué de vraies personnes. Mais pourtant c’est bien de personnes dont il s’agit ! Et c'est très souvent en fonction de ces dernières que l'on apprend à mesurer notre bonheur, comme si celui-ci n'avait pas d'existence absolue. Sur une île où il n'y a pas grand-chose, où dès la naissance on te parle du "Mezzogiorno arriéré" et on te dit : "Ici les coopératives ne fonctionnent pas, c’est le règne du futticumpagnu (trad. du sicilien "entube ton pote"), ce sentiment s’exacerbe et les rares qui ont réussi y sont parvenus seuls. En Sicile, on se souvient plus des grands noms que des grands projets. C’est dans ce contexte que naissent les Galline, et c'est ce même contexte qu'elles tentent d'effriter petit morceau après petit morceau, nouvelle personne après nouvelle personne, un orbu appressu all’autru! (trad. du sicilien "un aveugle après l'autre"). |
Sulla strada Gela-Niscemi, 1953 © Fondation Fulvio Roiter |
Mais ces agriculteurs sont tout sauf « aveugles » car lorsqu’ils se tournent vers le Consortium, ils ont déjà effectué une reconversion personnelle et agricole, remis en question leur manière de cultiver et leur rapport au consommateur. Loin d’imaginer qu’il existe d'autres agriculteurs comme eux, réunis en coopérative ou en Consortium senza futtiri a nnuddu (traduction du sicilien « n'ayant l'intention de ne rouler personne »), ils sont restés seuls. Calogero, alias Gero, ami depuis l’Université est l'un d'entre eux. Il nous raconte son parcours : Aujourd’hui, mon frère et moi, aidés par notre père, nous occupons de l'agrumeraie, ou plutôt "prenons soin d’un petit bout de ce monde". Ce verger ne nous appartiendra pas pour toujours et ne nous appartient pas même aujourd'hui et nous nous en considérons seulement les "gardiens". Notre vision bouleverse un peu la gestion traditionnelle d’une ferme sicilienne : nous n'avons pas l'intention de maximiser la production mais plutôt de permettre à notre agro-écosystème d'atteindre un équilibre. Après avoir atteint, ou du moins partiellement développé ce fameux équilibre, nous avons commencé à vouloir faire connaître notre travail aux consommateurs. Cela a été difficile car nous étions seuls, avions peu de moyens et manquions d'idées. Il nous a donc fallu des années pour créer un réseau fidèle qui apprécie et partage nos principes. Puis, un jour, grâce à une Poule j'ai découvert les Galline Felici, projet dans lequel je retrouvais tout ce que nous étions en train de construire : une grande famille, une galaxie de personnes liées par des idéaux communs, créant une certaine satisfaction, pas seulement économique, mais aussi agricole. J'ai été immédiatement frappé car il est de plus en plus rare de trouver des contextes où l'argent n'est pas au centre de tout. C'est donc toujours agréable de faire ce genre de découvertes. J'ai fait la connaissance de nombreux membres du Consortium, j'ai appris à mieux les connaître et trouvé parmi eux le même enthousiasme que le mien et celui de mes frères. Cela m'a obligé à entamer une grande réflexion : que faire ? Rester seul et continuer à "trimer" ou rejoindre le Consortium qui met en pratique depuis des années tout ce que nous avons fait jusqu'à présent ? Nous avons donc décidé d'adhérer et commencé notre "Poussinage" (voir plus bas). Nous ne nous sommes plus sentis seuls. Quelle satisfaction de voir ses propres fruits arriver au consommateur avec le même soin que lorsque nous faisions de la vente en direct. Le mangeur sait ce qui se cache derrière ses fruits, qui nous sommes et comment nous cultivons. Nous ne pouvions pas demander mieux. |
En plus de nous permettre de vivre et de travailler dans le plus grand respect de l’environnement, les Galline Felici permettent à de nombreux producteurs de continuer à pratiquer l'agriculture et d'éviter d’abandonner leurs terres. Lorsque j’ai eu l’occasion de participer aux visites à nos consommateurs italiens en juin dernier, j'ai reçu la confirmation que le Consortium n'était pas une simple entreprise qui vendait des fruits et des légumes, mais une petite partie de la famille de laquelle les consommateurs font aussi partie. J'ai vu de mes propres yeux que l’union permet de surmonter des obstacles et des difficultés qui semblent insurmontables. J'ai vu comment ce collectif ne s'est pas refermé sur lui-même mais continue d'évoluer et de se ramifier. "Fare rete" (trad. littérale de l'italien : "faire réseau"). En fin de compte, il suffit seulement de faire un peu plus attention à ce qu'il se passe autour de soi…" |
Gero est devenu membre du Consortium cette année. Comme je le disais précédemment, je le connais depuis mes études à la fac et déjà à l'époque, je le respectais en tant que personne et agriculteur (son mémoire traitait déjà de la conversion totale de son agrumeraie en un "agro-écosystème"). Lorsque le Consortium a décidé de chercher de nouveaux producteurs, j'ai donc immédiatement pensé à lui et à d’autres. Nous aimerions que vous preniez le temps de lire leurs présentations afin d’apprendre à mieux les connaître et découvrir l'amour et la passion qui se cachent derrière leur travail. Les questions habituelles se bousculent alors dans nos têtes : doit-on continuer à s’élargir ? Faire marche arrière ? Arrêter d’accepter de nouveaux membres et de nouveaux consom'acteurs ? Elles resteront probablement sans réponse pendant encore longtemps, car si nous sommes désormais conscients que "la croissance sans limite n'est pas durable", il se pourrait, et je dis bien "il se pourrait", que ce soit l'idée de croissance telle que nous la connaissons qui ne fonctionne pas, et que ce ne soit pas tant une histoire de taille que de contenu... Nous vous embrassons, Mico et les Galline Felici |
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